Illustratrice indépendante, Camille Murgue expose régulièrement ses œuvres. Elle travaille sur commande : dessins originaux, artworks d’albums, logos, affiches pour des événements, créations graphiques et visuels pour des boutiques et des marques. Elle présente sur parole de métaleux son métier mêlé à son (bon) goût pour le métal. D’autres aspects de son travail sont explicités dans l’histoire à découvrir ci-dessous.
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https://www.facebook.com/camillemurgueart
Musiques :
- Ben Guinchi & Death Throne – Parole de métaleux thème
Il existe des événements à ne pas louper. Asmoth le savait bien puisqu’il avait acheté son ticket il y a 6 mois pour l’exposition et rétrospective Camille Murgue à New York. Autant dire que l’attente en valait la chandelle car 666 années s’étaient écoulées depuis 2021 où sa première exposition dans la grande pomme avait eu lieu. Le milieu artistique de 2687, en pleine ébullition, préparait l’événement d’arrache pied.
Les moyens déployés devant la Haven Gallery s’avéraient grandioses. De grandes arches gothiques furent déployées pour l’occasion sur la façade et le toit du bâtiment. Le decorium intérieur n’était pas en reste puisque le thème de l’exposition l’art néogothique de l’époque pré-métaleuse transparaissait dans tous les artistes disparus et exposés. Des tableaux, des illustrations, et même des cafetières côtoyaient la rétrospective Murgue.
« … L’encre de Chine a disparu du commerce en 2003 lors de la création d’Epica ! Comment ne pas être persuadé d’une telle évidence. Êtes-vous défaillante ? dit un petit monsieur au cheveux grisonnant d’un ton agressif.
– Demandons à Roger le grand œil ce qu’il en pense, répondit une femme agacée.
– L’encre de Chine existait encore du temps d’Epica. Il n’est pas toléré de diffuser des fakes news. En tant que grand guide de cette partie du musée, je déclare une décrémentation immédiate de votre statut social. »
Un éclair sortit tout droit de l’iris géante vint électrocuter brièvement l’homme. Sonné, il s’éloigna cahin caha du groupe sans demander son reste.
« Est ce que je peux prendre la place de cet homme ? Enchaîna Asmoth l’air enjoué.
– Oui. Répondit froidement l’œil. Continuons la visite. »
Le reste de la visite se poursuivait dans une ambiance calme. Asmoth observait quelques-uns de ses camarades à usage unique. La femme agacée ne l’était plus, elle arborait un large sourire à la vue du prochain tableau. Un petit groupe d’asiatiques mitraillait de photos les différentes œuvres pour les retransmettre en direct live sur Mik Mak (réseau social Chinois de 2687 qui transforme les sensations visuelles en sensations gustatives).
« Ne bougez plus et observez, dit Roger l’œil. Voici Incantation. »
L’œil modifia le timbre de sa voix en une douce mélopée féminine. Des commentaires enregistrés en 2021 par Camille, s’exprimaient à travers l’œil ! Roger captiva dès lors toute l’attention de son public.
Commentaire audio de l’illustration :
« Derrière la vitrine sur ma gauche vous trouverez Oryctes Nasicorni, reprit Roger de sa voix rauque, froide et masculine.
– Dit autrement, le scarabée rhinocéros européen ! Répliqua instantanément un visiteur totalement sous le charme de l’exposition. »
L’œil dilata sa pupille pour capter une nouvelle fois l’attention du public. Le calme revenu, il altéra une nouvelle fois son timbre de voix.
Commentaire audio de l’illustration :
Sans transition, Roger enchaîna avec la Désincarnée aux Perles puis avec une oeuvre Sans Titre, l’heure commençait à presser. Un autre groupe de visiteurs se massait devant la porte d’entrée.
Commentaire audio de l’illustration :
Commentaire audio de l’illustration :
La femme au coté d’Asmoth chuchotait discrètement à son amie. Asmoth tendait l’oreille (je ne vous fais pas un dessin, tout le monde sait que la curiosité est un vilain défaut).
« Une reproduction d’Incantation siégeait dans le salon de mes parents. Est ce que je te l’avais dit ?
– Intéressant, dit la seconde femme, à l’époque il n’y avait qu’une petite quantité de tirages, je ne savais pas qu’il en existait encore !
– Oh il faut suivre cet affreux œil. Il nous fait signe car il veut nous ramener à la sortie. La visite est presque achevée.
– Comment ça intervient Asmoth ? Je n’ai pas eu le temps de voir ce qui m’intéressait !
– Arrête de ronchonner et profite du dernier tableau sinon tu vas finir griller comme le monsieur grognon de tout à l’heure. Il ne faut vraiment pas aller contre les décisions de l’œil. Les directives sont claires. »
La troupe suivit l’œil géant jusqu’au dernier élément à voir de la visite.
« Oh mais voilà Circé Lannister de Game Of Throne, hurla un jeune homme un peu survolté.
– Point de blasphème ! coupa net l’œil. Une remarque encore et vous perdrez un point social. »
L’oeil cligna plusieurs fois avant de se lancer dans un commentaire audio :
« La visite est terminée. Veuillez suivre le panneau volant jusqu’à la sortie. N’oubliez pas de vous désinfecter les mains, les pieds et le visage en sortant. Exporter des germes est passible d’une diminution de points médicaux, déversa Roger sur le groupe désabusé par ses remontrances. »
Asmoth profita de la cohue pour se cacher derrière un angle droit de la galerie. Dès que l’ombre de l’œil en lévitation s’agita, il sortit de sa retraite.
« Roger ? Je peux vous appeler Roger ? (grâce à un sursaut d’intelligence instinctive, Asmoth évita de lui adresser un clin d’œil malicieux).
– Rester poli. Voilà tout. Que me voulez-vous ? Il vous faut sortir rapidement de ce lieu, dit platoniquement l’œil.
– Arrête ton char, gros monocle ! Tu sais très bien pourquoi je suis là. Mes informations sont formelles, tu possèdes plusieurs illustrations disparues depuis des centaines d’années.
– Quel est le mot de passe ?
– Death Atlas
– Suis-moi Asmoth. »
Ils marchèrent discrètement et Asmoth reprit la parole.
« D’ après les sources des archives du pré-internet, quelques œuvres de Camille ont été subtilisées. On trouve bien des traces sur cet ancien réseau, mais pas de trace matérielle. Par contre, il existe une constante dans d’obscures archives du vieux web. Il est mentionné que l’œil de Camille veille pour un album de Cattle Decapitation. Quel charabia ! Je n’avais pas compris cette phrase jusqu’à ce que je vois ta photo dans les homéo journaux. »
Ils empruntaient le couloir dérobé près de l’entrée de service. Un cul de sac. Roger projeta un laser sur le mur, un mécanisme se fit entendre. De profonds escaliers se dévoilaient à eux.
« J’ entrepose une autre œuvre dans ma cave personnelle. Je préfère la mettre à l’ abri du grand public. Je crains souffrir d’égoïsme, je l’apprécie trop pour la partager. »
Ils arrivèrent sans peine malgré l’obscurité des escaliers dans une majestueuse cave aménagée. L’ambiance était étudiée pour mettre en valeur l’unique illustration. On ressentait toutes les attentions particulières que Roger avait prodiguées à son exposition permanente et personnelle. Il actionna un interrupteur non loin de lui, et l’Ophélie se présenta enfin à lui !
Roger changea à nouveau sa voix et dirigea son regard difficilement soutenable vers Asmoth.
« L’Ophélie est donc en ta possession, je le savais ! Il manque encore une dernière pièce, c’est sans doute la plus importante.
– Non Asmoth, je t’assure, je ne gardais cette œuvre que pour mon propre plaisir. Par contre, il est vrai qu’à l’issue de cette exposition, je pensais agrandir ma collection.
– Où est la derniere illustration ? s’excitait Asmoth, non convaincu. »
Asmoth s’énervait de plus en plus. Dévisagé par cet œil impassible, il n’arrivait pas à réfléchir et il fut saisi de vertige.
Bien sûr ! Avec l’art, on se regarde soi même, on l’observe et on se reflète dedans. L’œil de Camille est donc la dernière œuvre.
« Tu ne te sens pas bien Asmoth ? Tu es tout pâle ?
– Tu es la dernière œuvre Roger, tu es l’œil par lequel Camille a dessiné le monde. Oeuvre et artiste. Tu montres et tu observes avec et au-delà de Camille.
– Dessine-moi une réalité demanda l’’œil. Celle de Camille est si agréable à contempler. »