
Interview de Sasha Giller (tous les instruments et les vocaux sauf la batterie) de Tragedy In Hope, enregistrée le 17 février 2021. Tragedy In Hope est un groupe de black metal symphonique russe qui ne se revendique pas comme tel. (plus de détails dans le podcast…). Le premier album Sleep Paralysis est sorti début 2021.
Musiques :
- Ben Guinchi & Death Throne – Parole de métaleux thème
- Tragedy In Hope – Lucid Dream – Sleep paralysis
- Tragedy In Hope – The Celebration Of Despair And Woe – Sleep Paralysis
« Je dors très mal docteur, certaines nuits je ne dors pas du tout et quand finalement je m’endors, je suis comme tétanisé, je suis tout à fait conscient, je me trouve dans l’incapacité d’effectuer tout mouvement volontaire.
– Cela ressemble à une paralysie du sommeil, dit docteur Roger. Asmoth, il est nécessaire de vous soigner avec un traitement radical.
– Vous avez raison docteur, je suis un peu mou, j’écoute du Queen en journée, mon cerveau est sur off.
– Plus aucun doute, c’est une dépression. »
Roger farfouilla dans son bureau, entre les papiers épars, les trousses et quelques vieux stickers de Nightwish, il dénicha un album avec une pochette dessinée à la main.

hope’ra.
« Vous me conseillez de célébrer le désespoir et le malheur ?
– Précisément ! Rien de tel pour se débarrasser de son anxiété. »
Le docteur se retourna et bu cul sec une petite fiole. L’étiquette affichait clairement le contenu : 70 degrés.
« Moi aussi je dois soigner mes démons. Un petit schnaps, (mars) et ça repart.
– Quels sont les effets de ce groupe ? Asmoth recula légèrement face à l’haleine de bouc de Roger.
– C’est très simple. Grâce aux harmoniques rapides voire brutaux et les quelques touches symphoniques, le black metal de Tragedy In Hope est touchant mais terrifiant à la fois. Dans votre cas, il faut déclencher une catharsis. Je vais utiliser des mots simples : il vous faut une réinterprétation du genre sans l’impression du ridicule, et vous pourrez enfin surmonter votre spleen. Cette musique est parfaite dans votre cas. »
Docteur Roger s’essuya la bouche dans un mouchoir devenu le pays officiel des microbes en bonne santé, puis il reprit avec aplomb ses bons conseils.
« Vous allez écouter cette démo avant notre prochaine rencontre. Elle a des vertus insoupçonnées. L’expérience doit être vécue dans son intégralité. Rentrez chez vous, allongez-vous et écoutez. Vous puiserez dans vos souvenirs. Certaines tessitures de voix vont vous évoquer des réminiscences des 90’s…La variété évite toute monotonie, c’est la clef pour s’en sortir honorablement. Les nappes musicales évoluent constamment, on ne s’ennuie pas. De la bonne musique vous sortira de votre torpeur, j’en suis persuadé.
– Oh l’année 1994 avec The Principle of Evil Made Flesh. Cet album me rappelle combien il est bon de flirter avec un cauchemar. J’étais heureux dans mon malheur. Oui, natas et entretien avec un vampire. Ah, la jeunesse !
– Précisément, vous pointez du doigt une partie de la solution. Mais ce n’est pas tout… »

Bisous et coagulation.
Deux semaines plus tard, le médecin siégeait dans son bureau incrusté dans son fauteuil en cuir usagé. Une cigarette à la main et le cendrier à proximité. Il prit la parole à la vue d’Asmoth qui ouvrait la porte.
« Ah vous êtes là ! Je brûlais mes faiblesses humaines en vous attendant. »
Si la culture de la nouvelle sincérité ressemblait à du black metal, cela ressemblerait à Tragedy In Hope.
« Pourquoi avoir affiché cette citation docteur ? Il n’y avait rien au-dessus de votre bureau la semaine dernière.
– Comment allez-vous cette semaine Asmoth ? Dormez-vous mieux ?
– Oui, pas mal, j’ai écouté la démo que vous m’avez conseillée. Je me sens revigoré. Comme à l’adolescence, j’ai retrouvé les mêmes sensations qu’avec du Cradle of Filth au volume maximum. Vous voyez de quoi je parle, non ?
– Oui, vous vous sentez chamboulé tout comme un concept postmoderne. L’endroit à l’envers, le changement sans changer, l’immobilisme en mouvement.
– Pourquoi ce que vous dites est effroyablement compliqué ? En quoi la nouvelle sincérité serait différente de l’ancienne si je vous prête attention ? Longue vie à la nouvelle chair à canon de Patrick Hernandeath metal ? La seule chose à comprendre, c’est la volonté profonde de faire quelque chose de différent, après on peut broder avec de jolis mots. Vous savez que je ne suis pas couturier. »
« Le postmodernisme n’est pas un concept simple à expliquer, dit le docteur en se raclant la gorge. J’ai préparé un fascicule pour mes patients à ce sujet, sinon je dois passer mon temps à rabâcher ces choses ad nauseam. »
Roger déposa dans la main d’Asmoth un papier photocopié (aussi froissé que le mouchoir qu’il traîne partout). On pouvait y lire en gras : Le postmodernisme se base sur l’association de styles anciens et n’utilise pas la simplicité mise en avant par le modernisme. L’ironie est la caractéristique principale du postmodernisme, la parodie, le pastiche en sont des extensions.
« Avec ces quelques précisions, comment qualifieriez-vous ce black metal ?
– De black metal symphonique qui sonne black metal mais pas totalement. Il n y a pas de méchant des enfers à l’horizon. On assiste à la place à un cauchemar réel d’une personne pas totalement éveillée qui se moque des codes tout en utilisant avec brio une partie de ces codes justement. Ces tourments de la paralysie du sommeil balancés au visage m’ont chamboulés. Sinon, je veux bien une clope, vous me donnez envie.
– Vous voilà sur la route de la guérison. N’oubliez pas mes 250 francs d’honoraires ! » dit le médecin en lui tendant son paquet de cigarettes.